Et au milieu… la vie insiste
- Émo Earth
- 9 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 août

Voir autrement, faire autrement
Je n’ai pas perdu une maison. Je n’ai pas été blessée. Rien de ce que j’ai vécu ne se voit vraiment.
Mais j’ai vu. Et j’ai ressenti.
J’ai vu les colonnes de fumée, le ciel orangé derrière les collines qui entourent ma maison. J’ai vu la voisine, qui comme moi, scrutait l’horizon avec ce petit air mêlé de gêne et d’angoisse - presque une honte d’avoir peur.
J’ai ressenti de la colère. Et de la peur.
Colère face au manque criant de moyens, comme pour les lits dans les hôpitaux. Colère envers ceux qui ne prennent pas garde à leurs gestes, plus encore envers ceux qui agissent sciemment contre le vivant, et envers ceux qui profitent de ces crises pour semer le trouble et diviser les êtres humains entre eux.
Peur de voir de trop près, un jour ou l’autre. Peur d’avoir peur.
Il va falloir s’y faire. Cesser de croire que ceux qui tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies sont des "complotistes". Il va falloir voir autrement, faire autrement.
Et j’en reviens toujours à Pierre Rabhi, qui écrivait que le grand changement serait celui de l’âme humaine.
Nous, à Bio, Oc et Créa, cela fait (aussi) des décennies que nous l’imaginons autrement, ce monde. Cette société de consommation, nous la rêvons transformée en société de conscientisation. Et dans cette société-là, celui qui prend soin - dans une démarche de passeur non pas de gardien du temple - a toute sa place.
De la capacité à traverser
Dans ce contexte, la sophrologie n’est pas une manière de fuir le réel en se cachant derrière des sons de nature qui donnent l’illusion de calme. Elle peut être une pratique d’ancrage. Un rappel, profond, que notre corps est vivant, que notre souffle est là, et que nous avons la capacité de traverser. Pas de tout maîtriser. Pas de tout régler. Mais de traverser, un jour après l’autre.
Quand l’extérieur s’effondre ou menace de le faire, notre système nerveux se met en alerte. Il fait ce qu’il a appris à faire pour survivre : il anticipe, il scanne, il se tend. La sophrologie vient alors proposer l’inverse : non pas l’inaction, mais la décélération. Elle nous invite à sentir ce qui est encore là, ce qui ne brûle pas : notre souffle qui circule, nos pieds bien posés au sol, notre rythme intérieur qui ralentit.
Non, on ne fait pas de la sophrologie pour oublier la gravité du monde, mais pour réapprendre à y habiter sans se dissoudre dans la panique ou l'impuissance.
Accueillir sans sombrer
Le stress n’est pas une faiblesse. C’est une réponse normale face à un danger perçu. L’objectif n’est pas de le gommer, mais d’en faire un signal utile. Dans les pratiques sophrologiques, on observe sans jugement :
Tiens, mon cœur bat plus vite.
Je retiens mon souffle.
Je serre les mâchoires.
En nommant ces réactions, on commence à les apprivoiser.
Des exercices simples - respiration abdominale, visualisation d’un lieu sûr, relâchement musculaire progressif - permettent de rétablir un dialogue intérieur apaisé, sans nier le contexte. Juste en retrouvant un espace de régulation.
Réagir autrement ne veut pas dire ne rien faire
Respirer ?! C’est insuffisant face à l’insupportable ! C’est vrai. Pourtant, c’est ce qui permet d’agir autrement : de faire un choix lucide, plutôt qu’un geste sous tension. De continuer à s’occuper des autres sans se vider. De participer à un monde plus juste sans s’oublier.
Rester vivant.e
Nous vivons une époque incertaine. Il est normal d’avoir peur. Il est aussi possible de cultiver des îlots de calme intérieur, sans les transformer en bunkers. Juste des lieux en soi, où l’on peut revenir quand tout dehors devient trop. La sophrologie, pratiquée de manière sincère, sans tape-à-l’œil ni injonction au bonheur, peut être l’un de ces lieux.
Pas pour rêver le monde d’avant. Mais pour habiter celui d’aujourd’hui en restant sensible, debout.
Nous en avons cette capacité.
Et pour parler de tout ceci avec créativité, lorsque les mots ne viennent pas, l’art-thérapie, elle, est au rendez-vous.
Passeuse d’espoir
Je n’écris pas tout cela depuis une tour d’ivoire.
Je parle depuis mes traversées.
Sans ces pratiques - sophrologie, respiration, créativité, art-thérapie - je n’aurais peut-être pas tenu. J’ai accompagné des morts violentes. J'ai vu la souffrance. J’ai connu les deuils précoces, l’injustice, le handicap, la solitude. Et pourtant, quelque chose en moi a tenu.
Ce ne sont pas des recettes miracles. Ce sont des appuis. Des gestes simples. Des points de contact avec la vie, même quand elle se retire.
Si j’ai pu continuer à avancer malgré la peur, malgré les larmes, malgré les pertes…alors vous aussi, peut-être.
Rappelez-vous cette scène dans Dune, quand Paul est mis à l’épreuve pour savoir s’il peut résister à la douleur sans fuir. Ce n’est pas la force brute qui est en jeu. C’est la conscience. C’est le choix de rester présent.
Notre plus grand pouvoir n’est pas de tout contrôler. C’est de choisir comment nous traversons.
Que ce soit par la sophrologie ou autrement… ce chemin vers soi reste ouvert.
Et la vie, au milieu, insiste.
